Droit des brevets : l’inventeur doit être un humain
L’Office européen des brevets nous apprend qu’il a refusé la délivrance de deux brevets européens au motif que l’inventeur désigné dans les demandes de brevet était une machine appelée “DABUS”, décrite comme une forme d’intelligence artificielle.
Or, il semble que la Convention sur le brevet européen et son règlement d’exécution ne permettent la désignation comme inventeur que d’une “personne”, c.à.d. un humain.
Cf., par ex., la règle 18 du règlement d’exécution :
“La personne désignée comme inventeur est mentionnée en cette qualité dans les publications de la demande de brevet européen et dans les fascicules du brevet européen, à moins qu’elle ne déclare par écrit à l’Office européen des brevets qu’elle renonce au droit d’être mentionnée en tant qu’inventeur”.
Voyez, pour les détails, je vous renvoie au site de l’OEB.
Une décision écrite n’a pas encore été prononcée, mais je ne manquerai pas de vous tenir au courant car le sujet est brûlant.
Ce sujet en pleine effervescence n’est pas limité au droit des brevets. Il est transversal à toute la propriété intellectuelle.
Ainsi, par exemple, des questions similaires se posent en droit d’auteur.
En principe, l’auteur d’une oeuvre doit être un humain. Voyez, en droit belge, l’article XI.170 du Code de droit économique :
“Le titulaire originaire du droit d’auteur est la personne physique qui a créé l’oeuvre”.
Il en va de même aux Etats-Unis :
“306. The Human Authorship Requirement
The U.S. Copyright Office will register an original work of authorship, provided that the work was created by a human being.
The copyright law only protects “the fruits of intellectual labor” that “are founded in the creative powers of the mind.” Trade-Mark Cases, 100 U.S. 82, 94 (1879). Because copyright law is limited to “original intellectual conceptions of the author,” the Office will refuse to register a claim if it determines that a human being did not create the work (…)”.
De même, en droit d’auteur européen, on parle de création personnelle de l’auteur et de sa touche personnelle ; et les droits moraux sont considérés comme des droits liés à la personnalité (et donc la personnalité humaine).
Mais qu’en est-il, alors, lorsqu’une intelligence artificielle intervient dans le processus créatif ?
Ces questions sont complexes et, à ce jour, non-résolues de façon claire.
Julien Cabay vient de publier un remarquable article à ce sujet. Je me permets de vous y renvoyer si vous êtes intéressés par ces questions : J. Cabay, “Droit d’auteur et intelligence artificielle : comparaison n’est pas raison”, Ent. & L., 2019/6, pp. 307-325.
Il y a fort à parier que ces questions vont fortement évoluer dans les prochaines années. A suivre donc !
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles