Création d’un site web : gare à la propriété intellectuelle !
Vous souhaitez développer et lancer un nouveau site web.
Ceci implique de penser à plusieurs points en termes de propriété intellectuelle, afin d’éviter les pièges.
Passons en revue quelques-uns de ces pièges.
1er piège : la propriété intellectuelle du site web que vous commandez
Si vous engagez un développeur web ou une agence pour ce développement, il ne faut surtout pas oublier de régler la question de la propriété intellectuelle avec ce développeur ou cette agence. Il est fondamental d’aborder et de régler cette question, car si rien n’a été expressément prévu, le site web (que vous aurez pourtant payé) restera la propriété du développeur ou de l’agence.
Je vous renvoie à ce sujet à mon article Création de site web, vous avez fait appel à un développeur : n’oubliez pas de vous faire céder les droits !
Je vous renvoie également à mon article De l’importance de se faire céder les droits d’auteur sur son logo ou son site web.
J’ajoute que cette question doit être réglée AVANT de signer un devis ou un contrat avec le développeur ou l’agence. Sinon, ce sera l’incertitude et l’insécurité juridique. De plus, la force de négociation ne sera pas la même a posteriori.
Une autre question connexe qui est importante : assurez-vous bien de contractualiser l’accès au code du site web et aux données, surtout si c’est le développeur ou l’agence qui gère l’hébergement du site web, les bases de données, etc.
2ème piège : le nom du site web et le nom de domaine
Pour lancer votre nouveau site web, vous allez devoir lui choisir un nom et même un nom de domaine.
Il faut ici être vigilant par rapport aux noms des tiers. En effet, il ne faudrait pas que le nom que vous choisirez tombe, par exemple, sous la marque d’un tiers ; sans quoi vous risquez, entre autres, une action en contrefaçon et/ou d’être accusé de “cybersquatting”. A propos du cybersquatting, je vous renvoie à mon article On m’a volé mon nom de domaine : quand peut-on parler de cybersquatting ?
Pour éviter un tel scénario (contrefaçon, cybersquatting) – qui, outre les éventuels dommages et intérêts, risque de vous conduire in fine à devoir abandonner le nom initialement choisi (perte de temps, perte d’argent, besoin de recommencer le travail de branding, nécessité de se justifier auprès de son public-cible, etc.) – , il peut être utile d’opérer une recherche de disponibilité. A minima, vous pouvez commencer par vous-même en faisant des recherches sur le nom que vous avez en tête dans Google, sur Facebook, à la Banque-Carrefour des Entreprises, etc. Si vous travaillez avec une agence, voyez également avec elle si elle réalise des recherches de disponibilité.
Une autre problématique en lien avec le nom d’un site et/ou son nom de domaine est le caractère “générique” ou “descriptif” de celui-ci. Il peut être tentant, à première vue, de choisir un tel nom générique ou descriptif (par ex. “plombier bruxelles” + l’extension du nom de domaine) notamment pour des raisons de référencement (SEO). Mais c’est, en général, un mauvais calcul en lien avec le branding et la propriété intellectuelle. En effet, si vous enregistrez un nom de domaine générique ou descriptif, vous aurez très peu de chances de pouvoir vous opposer à l’enregistrement d’un nom de domaine générique similaire (voire identique, avec une autre extension). Pourquoi ? Parce qu’en principe pour pouvoir protéger un nom, il faut que ce nom soit distinctif (c.à.d. qu’il permette de distinguer une entreprise d’une autre). Or, si vous utiliser “plombier bruxelles”, cela décrit vos services et votre localisation géographique ; mais cela ne vous distingue pas des autres entreprises ou opérateurs (vous n’êtes pas le seul plombier à Bruxelles…). De tels noms génériques ou descriptifs (c.à.d. qui décrivent la nature des produits ou services offerts) ne permettent aucune protection contre les tiers. A mon sens, il faut donc au maximum éviter de tels noms génériques ou descriptifs. A l’inverse, il faut tenter de construire une “marque” forte (au sens branding) qui est distinctive. Par ailleurs, attention la meilleure protection pour un nom est de déposer une marque (cette fois au sens juridique du terme). Or, pour ce faire, le caractère distinctif est un point essentiel (vous ne pourrez pas obtenir une marque qui est générique ou descriptive).
3ème piège : les photos
Les photos, je vous en ai déjà beaucoup parlé. Voyez entre autres :
Il n’en reste pas moins que les photos trouvées sur Internet posent énormément de problèmes, en particulier lors de la création d’un site web (ou, plus tard, lors de son exploitation).
On pense souvent que parce qu’une photo est affichée sur Google, on peut l’utiliser. C’est évidemment faux.
Reprendre des photos trouvées sur Google (ou ailleurs) sans l’autorisation de leur auteur, c’est s’exposer à un risque d’action en contrefaçon. Bien sûr, et je l’ai déjà dit, toutes les photographies ne sont pas protégées par le droit d’auteur ; mais il vaut mieux anticiper et s’éviter des tracas a posteriori (et les risques d’action en justice), même si vous avez des arguments pour vous défendre. Mieux vaut prévenir que guérir. Aussi est-il préférable de bien réfléchir en amont, de s’assurer que la photographie est libre de droits et, si elle ne l’est pas, de solliciter l’autorisation de son auteur ou alors peut-être d’en choisir une autre ! Il est donc utile d’anticiper et d’intégrer ces questions dans son schéma créatif, plutôt que de devoir se défendre a posteriori.
Si vous travaillez avec une agence, celle-ci vous informera sûrement à ce sujet ; mais n’hésitez pas à lui demander et à vérifier avec elle qu’elle utilise bien des photos qui ne poseront pas de problèmes de droit d’auteur (ou même, d’ailleurs de droit à l’image !). De manière générale, ceci vaut également pour tout autre type d’oeuvre que viendrait à utiliser cette agence (vidéos, textes, éléments musicaux, etc.).
Autre hypothèse : si vous engagez un photographe pour réaliser des photographies sur mesure, pensez à prévoir une cession de droits de propriété intellectuelle avec lui (la plus large possible, puisqu’il est engagé sur commande).
4ème piège : les textes
Cela peut paraître basique ou même évident : ne copiez pas les textes des autres, en particulier de vos concurrents.
Et pourtant… combien de fois ai-je vu, dans ma pratique, qu’un site n°2 avait, plus ou moins intensément, repris les textes d’un site n°1. De véritables copiés-collés.
C’est évidemment un mauvais calcul car, d’une part, cela expose à des problèmes de propriété intellectuelle voire de concurrence déloyale mais, en plus, en termes de référencement, ce n’est pas la meilleure chose qui soit.
Encore un petit rappel en passant : il n’y a pas que le plagiat mot à mot qui est potentiellement problématique ; et il n’y a pas que le plagiat complet ou systématique qui est répréhensible (la Cour de justice, dans son arrêt, Infopaq a confirmé que même la reprise d’une phrase constituée de 11 mots peut constituer une contrefaçon de droit d’auteur, si cette phrase est originale).
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Pour finir sur une note amusante et liée à l’actualité audiovisuelle, j’ai vu dans le déconcertant documentaire de Netflix “Tiger King” que le désormais célèbre Joe Exotic avait été condamné pour contrefaçon de droit d’auteur et de marque (copyright/trademark) pour avoir repris du contenu appartenant à Bigcat Rescue. Décidément la propriété intellectuelle est vraiment partout et oppose tout type d’opérateurs (même des zoos aux Etats-Unis).
Selon ce qui est expliqué dans ce documentaire, l’idée de Joe Exotic était de profiter de la marque et du nom de Bigcat Rescue pour améliorer son propre référencement…
Mauvaise idée car l’action fondée sur la marque a coûté à Joe Exotic près d’un million de dollars. Alors certes, nous ne sommes pas aux Etats-Unis, mais attention ;-)
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles