Ferrari et le principe de spécialité du droit des marques
Le droit des marques est régi par le principe de spécialité.
Ceci signifie qu’une marque ne vaut que pour les produits et services pour lesquels elle a été enregistrée.
Il existe, bien sûr, des nuances et des exceptions (à ce sujet, je vous renvoie ici) ; mais le principe de spécialité est la règle.
En regardant la série “Drive to Survive”, dédiée à la Formule 1, sur Netflix, je me suis rendu compte que la marque “Ferrari” était un excellent exemple pour illustrer le principe de spécialité.
Ferrari est, bien entendu, la très célèbre marque de voitures de sport et de luxe (qui participe, au demeurant, à de nombreuses compétitions automobiles, dont le championnat du monde de Formule 1). Je parle ici de la marque au cheval cabré.
Mais Ferrari est aussi une marque de vin mousseux, qui est devenue, en 2021, le fournisseur officiel de la Formule 1 pour ses podiums.
Il y a donc deux “Ferrari” en Formule 1 : la marque de voitures et la marque de vins mousseux.
Or, ces deux marques sont indépendantes l’une de l’autre.
Elles appartiennent à deux entreprises différentes :
- Ferrari S.p.A. détient la marque de voitures (créée par Enzo Ferrari, surnommé “Il Commendatore”).
- Ferrari F.lli Lunelli S.p.A détient la marque de vin mousseux (créée par Giulio Ferrari, qui a voulu produire un vin mousseux italien capable de rivaliser avec les meilleurs champagnes).
Eh bien, c’est exactement cela le principe de spécialité du droit des marques !
Ferrari S.p.A. a déposé sa marque en rapport avec des voitures, ce qui n’empêche pas une autre entreprise, Ferrari F.lli Lunelli S.p.A, de fabriquer et de commercialiser du vin mousseux sous le même nom (la même marque), car des voitures n’ont rien à voir avec du vin mousseux.
Une coexistence de la même marque, exploitée par deux entreprises différentes, pour des produits différents, est donc possible ; car la protection qui découle d’une marque enregistrée est limitée aux produits et services tels que visés par le dépôt (en ce compris, les produits et services similaires ; mais ici, les voitures et le vin mousseux ne sont pas similaires, même à un faible degré).
En conclusion, il ne faut pas confondre les deux marques “Ferrari”, qui coexistent légalement et qui illustrent à merveille le principe de spécialité qui régit le droit des marques.
Le lecteur attentif se rendra, d’ailleurs, compte en effectuant des recherches dans les registres de marques qu’il existe quantité d’autres marques “Ferrari” ; dont par exemple la marque “Ferrari”, appartenant à une société française, enregistrée pour des bâches, filets, sacs pour emballage, tentes, voiles, matières textiles, tissus, étoffes, etc. Voilà encore une illustration du principe de spécialité.
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles