Droit d’auteur : l’oeuvre dirigée n’existe pas en droit belge

iStock.com / Jirapong Manustrong

Après vous avoir parlé des oeuvres dérivées et des oeuvres de collaboration, je vous propose aujourd’hui de nous intéresser, en droit d’auteur, à une autre catégorie d’oeuvres, à savoir les oeuvres dirigées.

Lors de l’élaboration de la loi de 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, le gouvernement avait déposé un amendement (n°76) tendant à introduire, en droit belge, la notion d’oeuvre dirigée, c’est-à-dire :

  • une oeuvre créée à l’initiative et sous la direction d’une personne physique ou morale (le producteur ou le promoteur) ;

  • dans laquelle les contributions des différents auteurs sont destinées à s’intégrer à l’ensemble pour former l’oeuvre dirigée.

L’oeuvre dirigée, ainsi considérée, est une forme d’oeuvre plurale ou collective, en ce qu’elle implique l’intervention de plusieurs auteurs (attention à ne pas confondre cette notion avec celle d’oeuvre de collaboration).

L’objectif du gouvernement était d’attribuer ab initio tous les droits d’auteur, tant patrimoniaux que moraux, sur l’oeuvre dirigée au producteur ou au promoteur.

Cette notion est à rapprocher de celle d’oeuvre collective qui existe en France :

Article L113-2 du Code de propriété intellectuelle :

“Est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé”.

Article L113-5 du même Code :

“L’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.

Cette personne est investie des droits de l’auteur”.

Pour en revenir à la Belgique, l’amendement n’a finalement pas été retenu et on ne retrouve nulle part dans la loi de 1994 (ni dans ses évolutions, aujourd’hui le Livre XI du Code de droit économique) de disposition relative à l’oeuvre dirigée. 

Concrètement, ceci signifie que :

  • Les producteurs et promoteurs ne sont jamais, ni originairement ni automatiquement, titulaires des droits d’auteur sur les oeuvres dont ils prennent l’initiative et dont ils assument la direction.

  • Les règles générales en matière de titularité et de cessions de droits s’appliquent, dans toute leur rigueur, aux producteurs et promoteurs.

Puisqu’ils ne peuvent en aucun cas être titulaires originaires, les producteurs et les promoteurs doivent nécessairement obtenir une cession (ou une licence) expresse et écrite de droits d’auteur de la part de tous les auteurs qui participent à la création de l’oeuvre dont ils assument l’initiative et la direction.

Cette cession (ou licence) ne peut concerner que les droits patrimoniaux (à l’exclusion des droits moraux) et doit notamment être conforme aux articles XI.167 et suivants du Code de droit économique.

Il existe une atténuation à ce principe : elle est à trouver en matière de production audiovisuelle.

L’article XI.182 du Code de droit économique institue, en effet, une présomption de cession de droits d’auteur au profit du producteur de l’oeuvre audiovisuelle (voyez, dans le même sens, à propos du droit voisin de l’artiste interprète ou exécutant, l’article XI.206). 

Il ne s’agit que d’une atténuation du principe, et non d’une réelle exception, dans la mesure où le producteur d’une oeuvre audiovisuelle n’est pas investi de tous les droits ab initio, mais bénéficie seulement d’une présomption de cession de certains droits patrimoniaux.

D’autres présomptions peuvent également jouer, par exemple dans l’hypothèse où le producteur est employeur et que ses employés créent du code ou une base de données dans l’industrie non culturelle (voyez les articles XI.296 et XI.187 du Code de droit économique).

***

Si l’amendement tendant à introduire, en droit belge, la notion d’oeuvre dirigée vous intéresse, en voici la référence : Doc. parl., Chambre, 1992-1993,  Doc. 473/8, pp. 3-4, amendement n°76.

Si vous voulez en savoir plus sur la titularité en droit d’auteur, je vous renvoie à mon article Qui est le titulaire des droits d’auteur ?

Et n’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions en matière de droit d’auteur ou de propriété intellectuelle.

FredericLejeuneLogo

Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles