Droit des marques : la marque ARABICA pour du café
Lors de mon dernier voyage, en Jordanie, j’ai découvert la marque de café ARABICA.
Le café que j’ai pu déguster sur place, à Amman, était tellement bon que j’ai décidé d’acheter des grains de café pour rentrer en Belgique.
Sur les sachets contenant les grains est estampillée la marque en question.
L’utilisation du signe ® tend à confirmer qu’il s’agit d’une marque enregistrée.
Me vient alors l’idée de cet article.
En effet, certains pourraient se demander pourquoi le signe ARABICA a pu être enregistré comme marque.
Et ce alors même que le café arabica est un type de café (provenant d’un caféier particulier, le “coffea arabica”).
Le signe ARABICA est donc descriptif pour du café(*).
Or, comme je vous l’ai souvent expliqué (par exemple, ici), les signes descriptifs ne sont pas susceptibles de protection par le droit des marques.
D’une part, parce que le signes descriptifs sont dénués de caractère distinctif.
D’autre part, parce que les signes descriptifs doivent pouvoir être librement utilisés par tous les opérateurs actifs sur le marché (sans que l’un d’entre eux ne puisse revendiquer un monopole sur ceux-ci).
Dans ces conditions, comment se fait-il que le signe ARABICA ait pu être enregistré comme marque ?
Précisément parce que ce n’est pas ARABICA tout court qui a été déposé ; mais % ARABICA avec, en plus, une stylisation particulière :
En d’autres termes, la marque – telle que déposée, et ensuite enregistrée – n’est pas purement descriptive.
Certes, l’élément verbal (ARABICA) est descriptif ; mais la marque telle que déposée est constituée d’autres éléments (le symbole % et une stylisation particulière).
Or, comme je l’explique ici, “pour être exclue, la marque doit être ‘entièrement’ descriptive”.
Il est intéressant de relever que l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) n’a pas refusé la marque % ARABICA dont je vous parle aujourd’hui (voyez la décision du 2 août 2016).
L’EUIPO a, par contre, refusé la marque semi-figurative L’ARABiCA Français CULTIVÉ EN FRANCE (voyez la décision du 10 novembre 2021), estimant que les quelques éléments de stylisation ne permettent pas de remédier au caractère descriptif ni à l’absence de caractère distinctif.
Ajouter des éléments figuratifs ou de stylisation ne permet donc pas toujours d’échapper au refus d’enregistrement ou à l’invalidité de la marque.
Comme l’explique l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI) :
“Une marque qui est descriptive est par définition non distinctive. Pour lui donner un caractère distinctif, on lui ajoute parfois une image, une couleur ou une forme spécifique, mais ce n’est pas toujours suffisant pour pouvoir enregistrer la marque”.
La question de savoir s’il est opportun de développer et d’exploiter une marque (plus ou moins) descriptive est une question marketing ou business.
Mais les limites juridiques d’une marque (plus ou moins) descriptive doivent être prises en considération et gardées à l’esprit – notamment l’impossibilité d’empêcher les autres opérateurs présents sur le marché d’exploiter un terme purement descriptif (il en va de l’intérêt général).
Ainsi, par exemple, le titulaire de la marque % ARABICA ne pourra empêcher personne d’utiliser le mot “arabica” pour désigner le type de café commercialisé.
Après les pizzas en Corse, c’était au tour du café en Jordanie…
Décidément, la propriété intellectuelle est partout !
(*) On pourrait aussi considérer que le signe ARABICA est trompeur si le café commercialisé sous ce signe n’est pas du café arabica (par exemple, du café robusta).
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles