Droit des marques : Lotus et le principe de spécialité
Le principe de spécialité est un principe clé du droit des marques.
Ce principe implique qu’une marque n’est valable que pour les produits et services pour lesquels elle a été enregistrée.
Il existe des nuances et des exceptions (à ce sujet, je vous renvoie ici). Mais le principe de spécialité est la règle.
Dans un article précèdent, j’ai illustré ce principe grâce à différentes marques Ferrari, qui coexistent en toute légalité (voitures vs. vin mousseux).
Je me permets de vous y renvoyer : Ferrari et le principe de spécialité du droit des marques.
Aujourd’hui, j’avais envie de vous parler d’un autre exemple, celui des marques Lotus.
En effet, il existe de très nombreuses marques Lotus, appartenant à des titulaires différents.
- On peut, tout d’abord, penser aux marques Lotus de la société belge Lotus Bakeries, qui sont enregistrées pour des biscuits et des produits apparentés.
- Il y a ensuite les marques Lotus de la société suédoise Essity Hygiene and Health Aktiebolag, qui sont notamment enregistrées pour du papier toilette, de l’essuie-tout, de l’ouate et des mouchoirs.
- Mais ce n’est pas tout : la société espagnole Festina Lotus est titulaire de différentes marques Lotus dans le domaine de la bijouterie et de l’horlogerie.
- Sans oublier les marques Lotus appartenant à la société anglaise Group Lotus Limited dans le domaine de l’automobile. Qui ne connaît pas les voitures Lotus ?
Le nom Lotus fait donc l’objet de multiples enregistrements de marque au profit de sociétés différentes.
Si ces multiples marques enregistrées peuvent coexister, c’est précisément en raison du principe de spécialité.
Les biscuits, le papier toilette, l’essuie-tout, l’ouate, les mouchoirs, la bijouterie, l’horlogerie et les voitures sont des produits très différents.
Le consommateur, lorsqu’il est confronté à un biscuit commercialisé sous la marque Lotus ne pense pas à la marque de voitures.
De même, il ne pense pas à la marque de montres lorsqu’il achète du papier toilette ou des mouchoirs Lotus au supermarché.
En réalité, le cas du nom Lotus est assez impressionnant, car il existe encore de très nombreux autres opérateurs qui détiennent une ou plusieurs marques sur ce nom pour d’autres produits et services.
En effectuant une recherche, uniquement via le site web de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (OBPI), j’ai recensé 422 résultats.
Il serait fastidieux de passer en détail l’ensemble de ces 422 résultats, mais relevons l’existence d’autres marques Lotus (appartenant, chaque fois, à des titulaires différents) pour :
- des préparations pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ;
- du tabac et autres produits pour fumeurs ;
- des matériaux de construction pour toitures ;
- des vêtements, des jouets et des meubles ;
- des huiles et graisses industrielles, des lubrifiants ; différents outils et machines ;
- des installations de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation ;
- des chaînes industrielles, chaînes à galets et dents de pignon à chaîne.
Ceci montre bien que protéger un nom via le droit des marques ne confère pas une protection absolue sur ce nom ; mais uniquement une protection par rapport à certains produits et services.
C’est une différence importante avec le droit d’auteur.
Si un nom fait l’objet d’une protection par le droit d’auteur, c’est le nom lui-même qui est protégé (parce qu’il répond à la notion d’oeuvre originale).
Comme je l’expliquais dans mon article Marques et droit d’auteur, quelques éléments de comparaison :
“La protection conférée par une marque est, en principe, limitée aux classes de produits et services choisies lors du dépôt (il s’agit du principe de spécialité). Le droit d’auteur, quant à lui, protège l’oeuvre elle-même, sans la moindre limitation en termes de produits ou de services”.
Ceci montre aussi qu’il faut être très attentif aux produits et services quand on souhaite déposer une marque ou utiliser un nom qui correspond à une marque déjà enregistrée par un tiers.
Si vous voulez en savoir plus sur le droit des marques, n’hésitez pas à me contacter ; ou à consulter les articles suivants :
- Droit des marques : comment ça marche ? (Partie 1)
- Droit des marques : comment ça marche ? (Partie 2)
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles