Rouge : une marque de couleur valable pour du vin ?

C’est une affaire intéressante en matière de marque de couleur dont je vais vous parler aujourd’hui.
Une société australienne a tenté de déposer la couleur rouge Pantone 200 comme marque pour du vin (voyez sur le registre de l’EUIPO).
Dans sa décision du 21 février 2025, l’examinateur de l’EUIPO a refusé d’enregistrer cette marque.
L’examinateur commence par rappeler que le public n’est pas habitué à percevoir immédiatement une simple couleur comme une marque (c’est-à-dire comme comme un signe qui identifie les produits et services d’une entreprise, et les distingue de ceux d’autres entreprises).
Nous avons déjà vu ce principe en relation avec les marques sonores (son d’ouverture d’une canette et bruit de moteur).
Autrement dit, il est assez difficile pour une couleur (ou un son) de constituer une marque. En tout cas, plus difficile que pour un mot (marque verbale) ou un logo (marque figurative).
L’examinateur relève ensuite, preuves à l’appui, que la couleur rouge est très largement utilisée en relation avec la vente de vin et de produits liés au vin (comme, par exemple, des accessoires).
Plus fondamentalement, le vin rouge désigne un type de vin (à côté du vin blanc et du vin rosé). L’examinateur fait notamment référence à une page web intitulée « Types of Red Wine ».
L’examinateur en déduit que la couleur rouge est intrinsèquement liée au vin et à son univers.
Par conséquent, la couleur rouge est dépourvue de caractère distinctif (c’est-à-dire qu’elle ne permet pas d’identifier le vin produit ou distribué par une entreprise en particulier ; et de le distinguer du vin produit ou distribué par d’autres entreprises).
L’examinateur ajoute que, dans ce contexte, le public pertinent ne percevra même pas la couleur rouge comme une marque (il n’y verra rien de plus que la couleur du vin ; ou une couleur ordinaire utilisée à des fins promotionnelles, apposée sur un packaging, etc.).
L’examinateur évoque ensuite la nuance de rouge en cause, à savoir le rouge Pantone 200. Il estime que cette nuance de rouge ne change rien à ce qui précède. Cette nuance de rouge ne s’écarte pas de façon perceptible des nuances de rouge habituellement utilisées dans le secteur du vin.
Pour tous ces motifs, l’examinateur refuse d’enregistrer cette marque de couleur, en se fondant sur l’article 7 (1) (b) du règlement sur la marque de l’Union européenne (absence de caractère distinctif).
Si je précise spécialement la base légale de la décision de l’examinateur, c’est parce qu’il me semble que ce dernier aurait également pu viser les points (c) et (g) du même article 7 (1).
La couleur rouge est, en effet, descriptive de l’une des caractéristiques du produit pour du vin rouge – ce qui est contraire à l’article 7 (1) (c).
Et elle est, en même temps, susceptible d’être trompeuse pour d’autres types de vin (comme les vins blancs et rosé) – ce qui est contraire à l’article 7 (1) (g).
Si l’examinateur s’est basé sur l’article 7 (1) (b), c’est sans doute parce que l’objection visée par cet article (absence de caractère distinctif) était déjà amplement suffisante.
Sur les liens entre le défaut de caractère distinctif (point b) et le caractère descriptif (point c), je vous renvoie ici (spécialement sous le titre « Une marque ne peut pas être descriptive », sous-titre « Le lien avec le caractère distinctif »).
Si le sujet des marques de couleur, je vous renvoie notamment aux articles suivants :
- Une couleur peut-elle constituer, en tant que telle, une marque ?
- Droit des marques : Instagram et sa couleur

Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles