Droit d’auteur et photos prises avec un smartphone
On m’a récemment demandé si les photos prises avec un smartphone étaient susceptibles de protection par le droit d’auteur.
Ma première réaction fut : “Et pourquoi pas ?”.
En effet, les photos sont, comme les autres oeuvres littéraires et artistiques, protégées par le droit d’auteur, à condition bien sûr qu’elles soient originales.
Or, le simple fait que les photos soient prises avec un smartphone n’enlève rien à la possibilité d’originalité.
Le droit d’auteur et les photos : rappel des principes applicables
Revenons-en, d’abord, aux fondamentaux, à savoir la protection par le droit d’auteur des photos en général.
La Cour de justice de l’Union européenne a confirmé le principe de protection dans un arrêt Painer, C-145/10.
Dans cet arrêt Painer, la Cour a indiqué que, comme les autres oeuvres, les photos peuvent être protégées par le droit d’auteur pour autant qu’elles soient des objets originaux, à savoir :
- des créations intellectuelles propres à leur auteur ;
- en clair : que les photos reflètent la personnalité de leur auteur ;
- en encore plus clair : que les photos soient le résultat de choix libres et créatifs de leur auteur.
Autrement dit, si lorsqu’il prend une photo, l’auteur pose des choix libres et créatifs, sa photo sera originale car, en posant de tels choix, l’auteur aura façonné de façon personnelle cette photo.
Dans ce même arrêt Painer, la Cour explique en quoi l’auteur d’une photo peut effectuer des choix libres et créatifs. Selon la Cour, l’auteur peut, par exemple, effectuer des choix libres et créatifs :
- en mettant en scène l’objet qu’il va photographier ;
- en demandant à la personne qu’il va photographier de prendre telle ou telle pose ;
- en faisant le choix d’un éclairage ;
- en prenant sa photo avec un cadrage ou un angle de vue particulier ;
- en créant une atmosphère spécifique avant de prendre sa photo ;
- en retouchant ses photos avec des logiciels.
Ce ne sont que des exemples et la Cour n’a pas eu la prétention d’être exhaustive. Il existe donc certainement d’autres façons de rendre une photo originale (c.à.d. d’autres manières de poser des choix libres et créatifs, en prenant ou en retouchant une photo) et de bénéficier d’une protection par le droit d’auteur sur la photo ainsi prise.
Application de ces principes aux photos prises avec un smartphone
La Cour de justice n’a fait aucun distinguo selon le type d’appareil avec lequel la photo serait prise.
Et pour cause, cela importe peu.
Ce qui compte, pour bénéficier d’une protection par le droit d’auteur, c’est de poser des choix libres et créatifs ; c’est-à-dire, pour le photographe, d’insuffler sa touche personnelle à la photo qu’il prend – et ce peu importe l’appareil utilisé.
En droit d’auteur, il est indifférent que la photo soit prise au moyen d’un appareil numérique, d’un compact, d’un bridge, d’un réflex, d’un semi-réflex, d’un polaroid ou… d’un smartphone.
Même avec un appareil qui ne permet que peu de réglages, il est toujours possible de mettre en scène l’objet à photographier, de demander à la personne à photographier de prendre une pose particulière, de choisir tel éclairage plutôt que tel autre…
Et, pour en revenir aux smartphones, ceux-ci (en tous cas les plus perfectionnés) offrent beaucoup de possibilités de réglages. De plus, ils permettent de retoucher les photos via des options directement disponibles dans l’application photo installée sur le smartphone ; sans compter qu’il existe quantité d’applications additionnelles qui peuvent être téléchargées.
En clair : si des choix libres et créatifs sont posés par le possesseur d’un smartphone lorsqu’il prend sa photo, celle-ci sera originale et protégée par le droit d’auteur.
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Conclusion : les photos prises par un smartphone sont, à l’évidence, protégeables par le droit d’auteur.
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles