Droits des marques : la marque “Brexit” refusée à l’enregistrement
J’essaie toujours, comme vous le savez, de coller à l’actualité. C’est ainsi que j’ai été amené à vous parler des marques déposées en lien avec les gilets jaunes.
Au lendemain du troisième vote de refus au Parlement britannique de l’accord sur la sortie de l’Union européenne, je vous propose aujourd’hui d’évoquer la marque “Brexit”.
Le 30 janvier dernier, la Grande Chambre de Recours de l’EUIPO a refusé l’enregistrement de la marque “Brexit” (reproduite ci-après) au motif que le terme “Brexit” n’est pas apte à remplir la fonction essentielle d’une marque, à savoir distinguer les produits et les services d’une entreprise de ceux d’une autre entreprise.
Pour justifier cette conclusion, la Grande Chambre de Recours de l’EUIPO considère que le public pertinent ne verra pas le terme “Brexit” comme une marque (en l’occurence, comme une marque de boissons énergétiques et de bières) mais simplement “comme une référence au processus de sortie du Royaume-Uni de l’UE”.
Les paragraphes 50 et 51 de cette décision sont très intéressants à cet égard :
“50. La grande chambre de recours estime que puisque les consommateurs connaissaient la signification du mot « Brexit » à la date considérée, à savoir un événement relatif à un processus historique et politique, la marque, qui combine le mot au drapeau du Royaume-Uni, serait perçue par les consommateurs, une fois appliquée sur des cannettes et des bouteilles de boissons, uniquement comme une désignation de cet événement, occultant dès lors toute possibilité qu’elle soit perçue comme une indication de l’origine industrielle ou commerciale spécifique des produits.
51. Déjà à la date du dépôt de la demande, le mot « Brexit » était si bien connu des consommateurs comme étant le nom d’un événement de nature historique et politique qu’il ne serait pas associé, de prime abord, à des produits spécifiques émanant d’un commerçant en particulier ; en d’autres termes, il ne serait pas perçu comme le nom de la marque d’un produit”.
La Grande Chambre de Recours de l’EUIPO considère également (au paragraphe 56 de sa décision) que les éléments figuratifs présents dans la marque “Brexit” en cause ne changent rien à cette analyse, dès lors que ces éléments figuratifs ne sont pas distinctifs : “ces éléments ne possèdent aucune caractéristique visuellement accrocheuse qui rende la marque mémorable au point de la doter, dans son ensemble, d’un caractère distinctif”.
Pire, nous dit la Grande Chambre de Recours, “la présence de l’arrière-plan évoquant l’Union Jack accentue simplement le contenu sémantique véhiculé par l’élément verbal « BREXiT »”.
Il me semble que cette façon de raisonner doit être approuvée et qu’elle devrait conduire à la même solution pour une marque du type “gilets jaunes”.
Comme je l’écrivais d’ailleurs ici :
“Je doute que l’expression “gilets jaunes” ait encore la capacité à être perçue comme une “marque”. En effet, l’expression “gilets jaunes” est devenue extrêmement “banale”, “habituelle” et elle est “entrée dans la langue”, ce qui peut en tant que tel constituer un obstacle à son appropriation exclusive, à titre de marque, par un opérateur économique ou par un individu. Qui parmi le public percevra les mots “gilets jaunes” comme une marque et non pas comme une expression banale, entrée dans le langage courant ? Or, si le public ne perçoit pas un signe comme une marque, cette marque n’est pas apte à remplir sa fonction”.
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles