L’appel des jugements avant dire droit, nouveau rebondissement
Il y a quelques semaines, j’écrivais (ici) que la Cour de cassation avait prononcé un arrêt du 3 décembre 2020, C.19.0608.F (ECLI:BE:CASS:2020:ARR.20201203.1F.4), clarifiant la notion de jugement avant dire droit, notamment pour les besoins de l’articulation de cette notion avec l’article 1050, alinéa 2, du Code judiciaire (appel différé des jugements avant dire droit).
Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation a jugé qu’un jugement prononçant une mesure avant dire droit (art. 19, al. 3, C. jud.) peut être un jugement définitif (art. 19, al. 1 et 2, C. jud.), et donc être susceptible d’appel immédiat, si le juge prononçant ce jugement épuise sa juridiction sur une question litigieuse (par ex. si le juge épuise sa juridiction sur l’opportunité de la mesure avant dire droit).
Je concluais mon article en soulignant que l’on sortait enfin du brouillard, tant l’article 1050, alinéa 2, et l’interprétation de la notion de “décision avant dire droit” ont, depuis l’adoption de la loi pot-pourri I, suscité des controverses.
C’était, cependant, sans compter sur un nouveau rebondissement…
Dans un arrêt du 12 février 2021, C.20.0048.N (ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210212.1N.4), la Cour de cassation a décidé qu’un jugement avant dire droit ne peut jamais être un jugement définitif, même si le juge épuise sa juridiction sur une contestation concernant la mesure avant dire droit :
“7. De rechter die een voorafgaande maatregel beveelt om de vordering te onderzoeken of om een tussengeschil omtrent een dergelijke maatregel te regelen, neemt een beslissing alvorens recht te doen, ook al beslecht hij daarbij definitief een betwisting omtrent de voorafgaande maatregel”.
Il faut noter que l’arrêt prononcé le 3 décembre 2020 a été rendu par une chambre de la section française de la Cour de cassation ; tandis que l’arrêt prononcé le 12 février 2021 a été rendu par une chambre de la section néerlandaise de la Cour de cassation.
Quoi qu’il en soit, la saga continue… et risque bien de continuer, sauf pour la Cour de cassation à statuer en audience plénière. Ceci semble indiqué puisqu’il en va de l’unité de la jurisprudence.
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles