L’autorité de la chose jugée en droit d’auteur
Dans les litiges de droit d’auteur, il n’est pas rare que plusieurs procédures soient intentées en parallèle ou l’une à la suite de l’autre.
Ainsi, par exemple, une action en cessation peut d’abord être introduite, avant d’être suivie, entre les mêmes parties, par une action en dommages et intérêts.
Dans un tel cas de figure, le juge saisi de l’action en dommages et intérêts devra prendre en compte la décision prononcée par le juge des cessations, et plus exactement l’autorité de la chose jugée de celle-ci.
Quelle sera l’étendue de cette autorité de la chose jugée ?
Tout dépendra de la décision du juge des cessations. De multiples scénarios sont envisageables selon, par exemple, que l’originalité (ou, plus généralement, la protection) aura été, ou non, retenue et selon que la contrefaçon aura été, ou non, constatée. Ceci d’autant plus que la décision peut être panachée : protection pour telle oeuvre, mais pas pour telle autre ; contrefaçon pour tels faits, mais pas pour tels autres ; etc.
Sans oublier les questions procédurales tranchées par le juge des cessations : il se peut, par exemple, qu’il ait déclaré certaines demandes irrecevables. Quel en sera l’impact sur l’action en dommages et intérêts ? Tout dépendra de la raison (donc des motifs) pour lesquelles ces demandes auront été jugées irrecevables.
Se pose aussi la question de l’autorité de la chose jugée vis-à-vis des tiers. Une partie peut-elle invoquer l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure (ayant, par exemple, reconnu la protection d’une oeuvre) contre un tiers qui n’était pas partie à la procédure ayant mené à cette décision ?
Quid de la relativité de la chose jugée ?
L’hypothèse inverse peut également surgir. Un tiers peut-il invoquer l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure (ayant, par exemple, exclu la protection d’une oeuvre) contre une partie à la procédure ayant mené à cette décision ?
Autre question d’importance : est-ce que le fait d’invoquer, dans un second procès, des pièces nouvelles permet de revenir sur l’autorité de la chose jugée ? En d’autres termes, des pièces nouvelles constituent-elles une cause différente (en l’occurence : des faits nouveaux) ?
Bref, toutes ces questions, assez complexes, sont essentielles en pratique.
Il m’a donc semblé utile de les examiner en détail aux pages 185 à 199 de mon ouvrage Le droit d’auteur en questions, paru chez Anthemis.
Ce qui y est expliqué à propos du droit d’auteur vaut globalement pour les autres droits de propriété intellectuelle.
Attention, toutefois à certaines spécificités, comme par exemple, en matière de brevets, où les décisions d’annulation sont revêtues d’une autorité de la chose jugée erga omnes. Si ce sujet vous intéresse, je vous renvoie également à mon article L’annulation d’un brevet et l’exécution provisoire, simple question d’opportunité ou véritable interdiction ?
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles