Les avocats sont-ils protégés par le droit d’auteur ?
Dans mon ouvrage, Le droit d’auteur en questions (paru chez Anthemis en 2022), j’écris que :
“c’est par rapport à l’objet et à l’étendue de l’apport ou du travail d’un intervenant que l’on peut déterminer si la protection par le droit d’auteur peut être déclenchée (existe-t-il une création au sens du droit d’auteur et celle-ci est-elle originale ?), et non par rapport à l’étiquette d’une personne” (p. 92).
Dans le même sens, j’y explique qu’il faut :
“davantage avoir égard aux prestations in concreto et à leur nature, qu’à la qualité de la personne qui réalise ces prestations” (p. 71).
L’arrêt du 24 mars 2023 de la Cour de cassation (F.21.0052.N) constitue une belle et importante illustration de ces principes.
En effet, la Cour de cassation y censure une décision par laquelle les juges d’appel avaient estimé qu’un avocat, dans le cadre de ses activités professionnelles, ne crée, en principe, pas d’œuvres originales au sens du droit d’auteur.
La position de ces juges d’appel est inexacte.
Un avocat peut créer des œuvres originales, même dans le cadre de ses activités professionnelles ; et il n’y a aucune raison d’exclure les avocats du bénéfice de la protection par le droit d’auteur de façon générale et abstraite.
Tout dépendra d’un examen in concreto et au cas par cas (des œuvres revendiquées et de leur originalité).
Si le sujet des oeuvres juridiques vous intéresse, je vous renvoie également au n°32 de mon ouvrage, Le droit d’auteur en questions :
“Les actes officiels des autorités, comme les lois, les travaux parlementaires et les décisions de justice, ne sont pas des oeuvres au sens du droit d’auteur, et tout le monde est libre de les utiliser, de les exploiter, de les reproduire, etc.
Cette exclusion du champ de protection ne s’étend pas aux commentaires de lois ou de décisions de justice. De la même façon, un recueil de législation ou de jurisprudence peut, sur le principe, être considéré comme une oeuvre au sens du droit d’auteur.
Il faut donc, une fois encore, bien distinguer le contenu non protégeable par définition (actes officiels, lois, travaux parlementaires, décisions de justice en tant que tels) de la mise en forme susceptible de protection (p. ex., un article de doctrine rendant compte d’une réforme législative ; un article de blog commentant un arrêt de la Cour de justice ; une vidéo éducative sur l’article 1050, alinéa 2, du Code judiciaire ; une consultation juridique examinant l’impact de telle ou telle loi sur la situation d’un justiciable ; etc.).
Si deux auteurs peuvent commenter une même jurisprudence et donc exploiter librement le texte de cette jurisprudence, le second auteur ne peut pas plagier le premier (c’est-à-dire reprendre tout ou partie de la mise en forme originale du premier)”.
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles