L’Office européen des brevets et les documents d’art antérieur disponibles sur internet (T 0286/10)

Dans sa décision T 0286/10 (disponible ici), la chambre de recours 3.5.06 de l’Office européen des brevets (“OEB”) a décidé que les divulgations effectuées par internet, qui peuvent constituer de l’art antérieur, ne doivent pas être soumises à un régime de preuve spécifique ou plus strict que les autres publications ou divulgations.

Après avoir rappelé que les publications internet étaient susceptibles de poser certaines difficultés par rapport au publications traditionnelles au motif que les pages internet peuvent être modifiées dans le temps sans qu’il ne soit forcément aisé de tracer toutes les modifications (et donc sous-entendu: qu’il est difficile de donner date certaine au document tel que publié sur internet), la chambre de recours estime que le remède à ce problème ne se situe pas une dérogation au régime de droit commun de l’administration de la preuve.

Au point 2.3 de la décision, la chambre de recours conclut, sur le plan des principes, ce qui suit:

“Cela revient en réalité à appliquer la règle de l’appréciation des probabilités qui suppose l’évaluation des éléments de nature à entraîner la conviction de la chambre dans un sens ou dans un autre. En d’autres termes les publica­tions Internet n’impliquent pas par principe une régime dérogatoire de preuve, les incertitudes liées à ces divulgations doivent être levées de façon à procurer un degré de probabilité suffisant, et établir la pré­somption d’accessibilité qui emportera la conviction du juge. Il n’y a aucune raison de hausser le degré des probabilités à hauteur de l’absence de tout doute raisonnable”.

Examinant ensuite les documents qui lui étaient soumis, elle constate que le premier d’entre eux avait été téléchargé du site www.jacksonville.com qui est exploité par le journal “The Florida Times Union”. La chambre de recours estime que “The Florida Times Union” est une source d’information connue et fiable, et qu’il n’y a dès lors pas de raison de douter que le document produit ait été publié à la date indiquée sur la page http://jacksonville.com/tu-online/stories/052800/web_3158672.html (à savoir le 28 mai 2000).

S’agissant du second document, la chambre de recours constate qu’il a été archivé sur www.archive.org (“the Internet Archive”).

Selon elle, c’est une erreur de partir du principe que les archives internet ne seraient, par nature, pas fiables.

Il faut partir du principe inverse: un document archivé sur www.archive.org à une certaine date doit être considéré comme ayant été accessible au public à cette date sauf circonstance particulière qui serait de nature à jeter une suspicion sur la date de publication et d’accessibilité au public.

La chambre de recours examine ensuite la fiabilité du site www.archive.org (point 4.2 de la décision) et en conclut que ce site est une source suffisamment crédible et fiable:

“L’archive Internet, une initiative d’archivage privé et non-lucratif (voir aussi T 1134/06, motifs 3.2), met à la disposition du grand public d’instantanés anté­ri­eurs de l’Internet. Depuis sa création in 1996, elle est de­ve­nu très populaire et a développé une bonne réputa­tion. Même si le volume de données traitées est énorme, l’archive n’est, naturellement, qu’une collection in­com­­plète des pages Internet antérieures. Cependant, des bibliothèques classiques sont incomplètes elles aussi sans affecter la crédibilité de l’information dispo­nible. Bien que la chambre ne nie pas que des doutes sur les entrées individuelles dans l’archive Internet puiss­ent surgir, elle estime que l’archive elle-même présente des garanties suffisantes pour bénéficier d’une présomption de source d’informa­tion fiable et de confiance, à charge pour la partie adverse de produire, en fonction de l’espèce, les éléments de nature à jeter un doute sur cette fiabilité présumée et par là même détruire cette présomption”.

Au vu de la crédibilité et de la fiabilité suffisante dont jouit le site www.archive.org, c’est à la partie adverse d’exposer en quoi il y aurait des doutes quant à la date d’accessibilité au public du document.

Tel n’étant pas le cas en l’espèce, la chambre de recours estime que la date de l’enregistrement du document litigieux dans l’archive, à savoir le 9 juillet 2001, fait foi et qu’à cette date, le public pouvait accéder au document litigieux.

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Pour aller plus loin, je vous invite à lire le document intitulé “Communiqué de l’Office européen des brevets relatif aux citations” disponible sur le site de l’OEB.

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles