Mise en demeure pour l’utilisation de photos (droit d’auteur)
Vous venez de recevoir une mise en demeure pour l’utilisation d’une photo sur Internet (que ce soit sur votre site web, votre blog, votre page Facebook, etc.).
Cette mise en demeure, fondée sur le droit d’auteur, vous a été envoyée par courrier ou même par simple e-mail (dans ce qui apparait parfois comme un mauvais “template”).
Il vous est réclamé un montant allant de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros.
Vous ne savez pas quoi faire.
Voici quelques conseils.
1) Conserver son sang-froid
Le tout premier conseil : ne cédez pas à la panique.
Pas de réaction hâtive ou sous le coup de la peur.
Il n’est pas rare que les mises en demeure de ce type soient rédigées de façon anxiogène, agressive, voire menaçante (cf. aussi la problématique des “copyright trolls”).
Il faut, malgré tout, prendre le temps de bien analyser toute une série de points, afin de vérifier le bien-fondé (ou non) des demandes qui vous sont opposées.
2) Vérifier si vous ne disposez pas déjà d’une licence
La première chose à faire est de vérifier si vous ne disposez pas déjà d’une licence.
Le conseil peut paraître trivial, mais – même sans mauvaise foi – l’entreprise qui vous a mis en demeure a peut-être commis une erreur.
Les systèmes et process de recherche des “infractions” – souvent automatisés – ne sont pas infaillibles.
Et bien entendu, si vous disposez déjà d’une licence, le dossier pourra être clôturé en apportant la preuve de cette licence à l’entreprise qui vous a mis en demeure.
Pour autant, bien sûr, que l’usage que vous avez fait de la photographie litigieuse tombe bien dans le champ de cette licence.
3) Vérifier l’identité de l’entreprise qui vous a adressé la mise en demeure
Il faut ensuite exclure les tentatives d’escroquerie ou de fraude au sens strict du terme.
Pour cela, il est important d’identifier avec précision l’entreprise qui vous a mis en demeure, et de s’assurer qu’il s’agit bien d’une entreprise qui a pignon sur rue.
4) Vérifier la titularité des droits d’auteur
Une fois l’hypothèse de l’escroquerie ou de la fraude pure et dure écartée, il faut vérifier si l’entreprise qui vous a mis en demeure est effectivement titulaire des droits d’auteur qu’elle invoque (ou, en tout cas, habilitée à agir sur la base de ces droits d’auteur).
En effet, bien souvent, ce n’est pas le photographe lui-même qui vous met en demeure, mais une “société de recouvrement” spécialisée dans le domaine de la photographie.
Or, le titulaire originaire des droits d’auteur est le photographe (personne physique) qui a créé l’oeuvre ; et non cette société de recouvrement.
La société de recouvrement doit donc prouver :
- qui est le photographe ;
- que le photographe lui a cédé ses droits (ou, au moins, que le photographe lui a donné mandat pour agir sur base de ses droits).
A défaut de prouver ces deux éléments, la société de recouvrement ne peut pas vous réclamer de montants pour une prétendue violation de droits d’auteur.
En pratique, et selon mon expérience, il n’est pas rare que la société de recouvrement ne soit pas en mesure de prouver ces éléments. Dans un tel cas, il n’y a pas lieu de payer les montants réclamés.
Les simples affirmations unilatérales de la part de la société de recouvrement ne sont pas suffisantes. Des preuves sont nécessaires. Comme je l’ai déjà relevé ici :
- “Devant les tribunaux, c’est la même chose de n’avoir point de droit ou de n’en avoir point de preuves” (Rapport du Commissaire royal Charles Van Reepinghen, p. 210, citant Planiol).
- “En règle, la seule affirmation d’un fait par une partie litigante ne peut tenir lieu de preuve de l’existence de ce fait” (Cass. 25 février 1982, J.T., 1982, p. 544).
Point d’attention :
- Parfois la société de recouvrement apporte la preuve qu’elle a été mandatée par une agence de presse.
- Un mandat existe donc bel et bien.
- Sauf que… l’agence de presse n’est pas non plus le photographe originaire.
- La preuve du mandat entre l’agence de presse et la société de recouvrement n’est donc pas suffisante.
- Encore faut-il prouver (i) qui est le photographe originaire et (ii) que ce photographe originaire a bien cédé ses droits à l’agence de presse (qui a ensuite mandaté la société de recouvrement).
- S’il y a plusieurs intervenants, c’est donc toute la chaîne de droits (cessions/mandats) qu’il faut prouver ; depuis le photographe originaire jusqu’à la société de recouvrement qui vous écrit.
Parfois la société de recouvrement invoquera la mention copyright (dont je vous ai déjà parlé ici). Dans un tel cas, il faut encore vérifier si cette mention est bien applicable (ce qui n’est pas toujours le cas).
5) Vérifier l’originalité de la photographie litigieuse
Comme je l’ai déjà écrit en 2017, toutes les photos ne sont pas protégées par le droit d’auteur.
Pour pouvoir bénéficier de la protection par le droit d’auteur, la photographie litigieuse doit être originale (c’est-à-dire : le résultat de choix, libres et créatifs de son auteur).
Les photos banales ne sont pas éligibles à la protection.
Bien souvent, l’entreprise qui vous a mis en demeure ne justifie pas l’originalité.
Il faut être clair : aucun montant n’est dû pour une photo non originale ; puisque si l’originalité fait défaut, il n’y a pas de protection et la photo est libre de droit.
6) Prendre contact avec un avocat
Malgré les conseils qui précèdent, il est toujours préférable de consulter un avocat.
D’une part, parce que d’autres arguments ou moyens de défense sont envisageables ; mais ils requièrent une analyse personnalisée de votre dossier (un cas n’est pas l’autre).
D’autre part, parce que l’avocat saura comment mettre en avant l’ensemble de ces arguments et moyens de défense. Il saura comment “s’exprimer” vis-à-vis de l’entreprise qui vous a mis en demeure ; et comment mettre “tout cela en musique”. Il y a aussi un aspect stratégique.
Sans oublier l’évaluation des chances de succès. L’avocat pourra vous dire si vous avez de réelles chances de succès ou s’il est préférable de payer (ou de négocier).
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles